Le
trésor de Childéric, roi des Francs au 5e siècle et père de Clovis, retrouvé
en 1653 à Tournai, comprenait 300 abeilles en or massif attestant de la
qualité royale du défunt. Le souverain est à la tête de son peuple qui doit
être uni et laborieux comme les insectes de la ruche.
En 1422, alors que la
France est sans roi et que la lutte fait rage entre les Armagnacs et les
Bourguignons, le poète Alain Chartier écrit son Quadriloge invectif:
Dame France y demande à ses trois fils, Noblesse, Clergé et Tiers‑État, de
s'unir "comme les abeilles qui «mettent leur vie pour garder la
seigneurie de leur roi». Fénelon ( +1715) reprit cette allégorie dans un
dialogue entre une mouche et une abeille très fière de sa race: «rien n'est
plus sage que nous, dit la créatrice du miel. «Nous seules avons des lois
et une république bien policée». La ruche bourdonne d'insectes
travailleurs prêts à défendre leur grande richesse avec leur aiguillon
venimeux, image d'un peuple industrieux et fier. L'abeille royale sera de
nouveau adoptée' par Napoléon en 1804, immortalisée par Victor Hugo dans le
poème «Les abeilles du manteau impérial
L'abeille devait sa situation privilégiée de modèle pour l'humanité à son
amitié avec les dieux. Les apiculteurs de la Somme croyaient au 19e siècle
que les mouches à miel » célébraient chaque année la Fête‑Dieu en élevant
dans la ruche un Saint‑Sacrement en cire.
Une
légende bulgare de Bessarabie raconte que Dieu créa l'abeille pour espionner
le Diable, qui avait créé la terre, la mer, la chèvre et le bouc. L'insecte
s'étant bien acquitté de sa mission, le Seigneur lui dit: «qu'il n'y ait pas
plus doux
de
1694 rend compte de la croyance selon laquelle on peut ramasser les
abeilles sur le cadavre en décomposition de certains animaux. Les
abeilles y sont qualifiées de « mouches » selon une appellation devenue
hors d'usage.
Les
abeilles sont en quelque sorte associées aux fêtes chrétiennes; dans la
Côte‑d'Or, on dit même qu'ailes dépérissent ou qu'elles s'en vont, si leur
maître n'a pas de religion. Dans l'Orléanais, poser à chaque ruche une
branche de buis des Rameaux, que l'on a rapportée chez soi sans parler à
personne, donne le pouvoir de taire essaimer les affilies à volonté. Au Val
d'Ajol, on face sur les paniers, pour empêcher les mouches de les quitter,
une petite branche de buis des Rameaux; en Limousin, aile les préserve des
malheurs et de la foudre; en Wallonie, si l'on veut que les essaims ne se
posent pas trop loin des ruches, il faut, le dimanche des Rameaux, planter
auprès une branchette de buts béni. Dans le Bocage vendéen, on les ornait
autrefois de fleurs pour appeler sur elles la bénédiction de la Vierge; dans
le Loiret, le jour de l'invention de la sainte Croix, on place au sommet de
chacune une petite croix de coudrier ou d'aubépine bénie à la messe. Dans
les Hautes Vosges, le Vendredi saint, on nettoie le coin réservé aux
abeilles, et on met sur chacun des paniers une petite croix en cire bénite,
tin d'amurer la prospérité de ces bonnes ouvrières et de les empêcher
d'essaimer au loin. A la Fête‑Dieu, on pose des couronnes bénies sur les
ruches, en vue de préserver leurs hôtes cers maladies et des accidents. On
croit, en Hainaut et en Suisse, que les abeilles chantent pendant la nuit de
Noël; En Wallonie, en Picardie, un essaim qui s'établit dans la ruche, le
soir de la FêteDleu, dispose un des gâteaux en forme de Sain‑Sacrement; dans
la Côte‑d'Or, les » avettes » y forment un calice en miel. En
Haute‑Bretagne, si elles essaiment le jour Sainte‑Anne, il y a un cierge au
milieu d'un des paniers; c'est la ruche du roi; si ailes essaiment un jour
consacré à la Vierge, les rayons cent en croix et c'est la ruche de la
reine.
P.
SÉBILLOT, le folklore de France, tome 6, pp. 326‑327, Imago, 1954.