
Histoire du département de l'Aisne
(Région Picardie)
L e territoire dont a été formé le
département de l'Aisne était occupé, avant la conquête romaine, par diverses
peuplades, qui ont
laissé leur nom aux provinces, ultérieurement constituées dans le
royaume de France. Le pays habité par les Suessiones est devenu le
Soissonnais. Le Laonnais est l'ancienne patrie des Lauduni, de même
que la Vermandois et le Noyonnais étaient originairement les contrées où
vivaient les Veromandui et les Novioduni. Si nous ajoutons la
Thiérache à ces divisions primitives, si nous rappelons que, dans la
répartition territoriale des grandes provinces, le Noyonnais et le Laonnais
furent incorporés à l'Ile-de-France, pendant que le Vermandois, la Thiérache
et le Soissonnais continuaient à faire partie de la Picardie, il n'y a donc
pas d'unité dans l'histoire générale du département et ses villes furent
chacune, et pendant longtemps, le centre et la capitale d'une petite
province.
Après avoir pris part à la grande lutte
nationale contre les Romains, les Suessiones s'allièrent avec ces
mêmes Romains contre les Belges et contribuèrent à la victoire que Jules
César remporta sur eux à Bibrax ; ce qui fit que cette partie de la Gaule
fut traitée par les Romains moins en pays conquis qu'en alliée. Les villes
furent embellies, des temples et des monuments d'utilité publique furent
élevés ; des routes dont il reste encore des traces furent construites.
Aussi, plus qu'aucun autre de la Gaule, ce pays semble-t-il s'être absorbé
dans l'unité du
monde romain ; il avait été compris, sous le règne d'Honorius, dans la
seconde Belgique.
Quand les hordes barbares se ruèrent sur la
Gaule, les Romains trouvèrent, sur les bords de l'Aisne, des alliés dévoués
et courageux, qui les assistèrent vaillamment dans leurs efforts pour
repousser l'ennemi commun ; les Suessiones et les Lauduni se
signalèrent dans la résistance victorieuse qui fut opposée à l'invasion des
Vandales en 407 ; mais moins d'un siècle plus tard, en 486, la fortune
imposa de nouveaux maîtres à la Gaule ; les plaines de Soissons virent la
défaite de Syagrius, le dernier représentant de la domination romaine, et la
victoire des Francs commandés par Clovis.
A la mort de ce prince, dans le partage de
ses États, le Soissonnais forma, de 511 à 558, un royaume indépendant qui se
confondit ensuite dans celui de Clotaire Ier. Chilpéric, un de
ses fils, eut à son tour le Soissonnais en héritage et prit le titre de roi
de Soissons. Chez tous les princes de la première race, jusqu'à Louis
d'Outre-mer, qui, en 936 fixe sa résidence à Laon, nous trouvons une
prédilection marquée pour cette contrée, soit que l'importance des villes
les désignât alors comme places stratégiques ou sièges d'administration,
soit que le caractère des habitants se fût concilié la faveur des nouveaux
maîtres, comme il avait auparavant conquis les sympathies romaines ; du
Cange constate que, pendant cette période, le pays resta inféodé au domaine
de la couronne et fit constamment partie de ce qu'on appelait proprement
la France. Le seul fait militaire qui se rattache à cette époque est une
victoire de Carloman sur les Normands, remportée en 833, et dont les bords
de l'Aisne furent le théâtre ; victoire qui fut suivie d'un traité de paix
signé à Vailly.
C'est seulement après Charlemagne, et par
suite des prodigieux accroissements de l'empire franc, que le gouvernement
des villes et provinces fut confié à des comtes ou barons, d'où descendirent
la plupart des dynasties féodales ; toutefois, les comtes du Vermandois
étaient de la race du grand empereur.
En même temps que se consolidait et
s'étendait la monarchie franque, le christianisme, qui l'avait précédée et
qui lui avait préparé les voies par la dissolution de l'empire romain, en
recevait, à son tour, la protection la plus puissante et les faveurs les
plus signalées. L'œuvre apostolique avait duré trois siècles, du IVe
au VIIe ; les plus glorieux soldats de l'Église militante furent,
pour cette période : saint Firmin, saint Crépin et saint Crépinien, saint
Valère et saint Rufin, saint Quentin, saint Waast, saint Valery et saint
Riquier, saint Lucien et les apôtres de l'Église irlandaise. Avant
l'extinction de la première race, de riches et nombreuses abbayes couvraient
le pays ; on en comptait quatorze pour les diocèses de Noyon, Laon,
Soissons, Amiens et Beauvais ; les villes mettaient leur orgueil dans la
richesse et l'importance de leur cathédrale, et le pouvoir temporel, en
maint endroit, augmentait encore l'influence religieuse des évêques.
Affaiblissement du pouvoir royal,
morcellement du territoire en fiefs féodaux, rivalités des évêques et des
barons, efforts des communes pour s'affranchir, tels sont les éléments
principaux qui constituent l'histoire de France sous les rois de la seconde
race ; nulle part ces caractères ne se dessinent d'une manière plus
saisissante, ne se traduisent en épisodes plus significatifs que dans les
annales de ce département. Si le pouvoir royal garde encore quelques restes
de son influence sur le pays, si dès 1185 le Vermandois est réuni à la
couronne par Philippe-Auguste, nous voyons surgir l'autorité quasi
souveraine des prélats de Noyon, Laon et Soissons ; nous voyons arriver
jusqu'au mépris des ordres royaux l'indépendance des Enguerrand de Coucy, et
nous assistons aux premières et aux plus ardentes luttes de la bourgeoisie,
combattant pour son émancipation communale.
P endant que le pays est en proie à ces
dissensions intestines, sa position géographique l'expose aux assauts des
plus redoutables ennemis du dehors ; la possession de l'Espagne, de la
Flandre et des Pays-Bas par les ducs de Bourgogne et la
maison d'Autriche le met en contact, pendant plusieurs siècles, avec ces
implacables adversaires de la France. Au commencement du XV e
siècle, les Bourguignons s'emparèrent du Soissonnais et du Laonnais ; ils
n'en sont chassés qu'en 1414. En 1557, les Espagnols gagnent contre notre
armée la fameuse bataille de Saint-Quentin. Puis, aux guerres étrangères
succèdent les guerres civiles de la Réforme, dans lesquelles intervient
encore l'Espagnol, et qui ne prennent fin qu'en 1584, après le triomphe
définitif de Henri IV et son avènement au trône.
Les derniers frémissements de la féodalité
domptée agitèrent encore le pays pendant la minorité de Louis XIII. Les
Espagnols, prompts à saisir toute occasion d'affaiblir la France, firent
encore à cette époque plusieurs irruptions ; mais Richelieu, dont la main
ferme et habile allait prendre le gouvernail, sut forcer l'ennemi à
respecter nos frontières et assurer la paix intérieure.
J usqu'aux guerres de Louis XIV, le pays fut
tranquille ; pendant la première partie de ce règne, c'est le
sol étranger que foulaient nos armées victorieuses ; mais l'heure des
désastres arriva l'ennemi envahit à son
tour la France ; les troupes impériales pénétrèrent, en 1712, jusqu'aux
environs de Laon, et il fallut la victoire de Denain pour sauver la gloire
de nos armes et l'intégrité de notre territoire. Le département de l'Aisne
devait revoir l'ennemi en 1814 et en 1815 ; la conduite de ses habitants
répondit alors à tout ce qu'on pouvait attendre de l'esprit patriotique et
national qui avait toujours animé leurs pères ; mais la nature du sol,
composé en grande partie de vastes plaines totalement découvertes, le peu de
largeur des
cours d'eau y permirent, moins qu'ailleurs, la guerre de partisans,
dernière ressource ou dernière vengeance des pays envahis.
Pour les événements intérieurs, dans le
cours de ce dernier siècle, la chronique intime du département est moins
riche encore en faits d'une importance générale ; Soissons fut cependant, en
1728, le siège d'un congrès européen qui promettait de terminer tous les
différends des grandes puissances, et qui, après plusieurs mois de
conférences, n'amena aucun résultat.
Il y eut, en 1787, un remaniement
administratif et l'essai d'une nouvelle organisation politique ; on décida
l'établissement d'une assemblée provinciale pour le Soissonnais, et on créa
des chefs-lieux d'élection dans chacune des villes principales qui forment
le département actuel, à Soissons, Laon, Château-Thierry, Guise et
Saint-Quentin ; cette réforme ne précéda que de quelques années la
transformation de la France en départements ; Soissons devait y perdre sa
supériorité, et Laon fut choisi pour chef-lieu de l'Aisne, comme point plus
central et mieux approprié à la surveillance administrative. Mais le
chef-lieu industriel se trouve aujourd'hui à Saint-Quentin, la ville la plus
importante du département.
En 1870, le département de l'Aisne fut un
des premiers envahis par les armées allemandes ; plusieurs combats s'y
livrèrent, notamment aux environs de Saint-Quentin ; il ne fut complètement
évacué qu'à la libération du territoire. Les pertes, de toute nature
éprouvées par les habitants, par suite de cette occupation, ont été évaluées
à 23 millions 742 839 francs 37 centimes.

http://histstquentin.free.fr
voir ce site Merci
|