evant
les demandes de plus en plus nombreuses de nos internautes sur des questions
courantes de français, nous avons répertorié les plus fréquentes, dont vous
trouverez la liste ci-dessous, ainsi que la réponse du service du
Dictionnaire de l’Académie française.
i
vous vous interrogez sur d’autres points de grammaire ou de langue, le
Service est là pour vous répondre.
(Si vous nous écrivez par courrier électronique, veuillez indiquer aussi
votre adresse postale : elle nous est parfois indispensable pour vous
envoyer de la documentation, mais aussi simplement pour vous répondre, car
une importante proportion des adresses électroniques qui nous sont indiquées
sont fausses. Vérifiez vos adresses)
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’Académie
française est membre de droit des commissions officielles de terminologie et
néologie dont la Délégation générale à la langue française (D.G.L.F.),
organe dépendant du ministère de la Culture, coordonne les travaux. Nous
indiquons sur notre site les principaux avis de la Commission générale
publiés au Journal officiel avec l’aval de l’Académie, ainsi que les
rapports de la D.G.L.F. ou de la Commission générale. Dans son rapport
annuel 1999, la D.G.L.F. explique le
rôle de l’Académie française.
À : la voiture de Julie ou la voiture à Julie ? |
À : à, en ou dans devant les noms géographiques |
À ou chez (établissements commerciaux)
|
Accentuation des majuscules |
À l’attention de, à l’intention de |
Aller : quel groupe de verbes ? |
Amour, délice et orgue |
An deux mil ou an deux mille ? |
Anglicismes et autres emprunts |
Au jour d’aujourd’hui |
Au temps pour moi |
Cédérom |
Cent, vingt |
Ce qui reste ou ce qu’il reste ? |
Ci-annexé, ci-inclus, ci-joint |
Courbatu, courbaturé |
Courriel |
Déchèterie |
Deuxième, second |
Dimanche : premier ou dernier jour de la semaine ? |
En tant ou autant que de (besoin, raison) ? |
Euro, cent |
L’État de droit |
Être pour aller |
Évènement |
Fainéant |
Féminisation (Déclaration de l’Académie française, 14 juin 1984)
|
Féminisation (rapport sur la féminisation de la D.G.L.F.) |
Féminisation (Déclaration de l’Académie française, 21 mars 2002) |
Fini(es) les vacances ! |
Gré (savoir) |
Le haricot ou l’haricot ? |
Leur chapeau ou leurs chapeaux ? |
Malgré que |
Mandature |
Mastaire (Résolution de l’Académie française, 28 mars 2002) |
Mél. |
Millénaire (début du troisième) |
Nom collectif suivi d’un complément au pluriel (accord du verbe) |
Nombre de mots de la langue française |
Nombres inférieurs à 2 : accord |
Noms de localités commençant par Le ou Les |
On (accord) |
Origine du français |
Ostensible |
Orthographes recommandées de la 9e édition |
Par contre |
Par moments, mais trois fois par jour |
Participe passé (accord) |
Pis ou pire ? |
Plein (battre son) |
Plusieurs, est-ce plus de deux ? |
Pronominaux (Verbes, accord du
participe passé) |
Les Rectifications de l’orthographe, publiées dans les documents
administratifs du Journal officiel du 6 décembre 1990 (format
.PDF) |
Les Rectifications de l’orthographe, publiées dans les documents
administratifs du Journal officiel du 6 décembre 1990,
plan (format .HTML)
Présentation du rapport par M. Maurice Druon, Secrétaire perpétuel
Réponse du Premier ministre
Introduction
Principes
I - Analyses
II - Règles
III - Graphies
IV - Recommandations
|
Rectifications de l’orthographe (état de la question) |
Résidant ou résident ? |
Sabler ou sabrer le champagne ? |
Sans chapeau, sans chaussures |
Septante, octante, nonante |
Sot |
Tables d’équivalence alphabétique - Termes français |
Tables d’équivalence alphabétique - Termes étrangers |
Temps surcomposés |
Tout étonné, mais toute surprise |
Vocabulaire de l’architecture |
Vocabulaire de l’économie et des finances |
Vocabulaire de l’informatique |
Vocabulaire de l’informatique et de l’internet |
Vocabulaire des carburants |
Zone euro |

À : la
voiture de Julie ou la voiture à Julie ?
La préposition à
marque normalement l’appartenance après un verbe (cette maison est,
appartient à notre ami). On l’emploie avec la même valeur devant un
pronom, seule (un ami à nous) ou pour reprendre un possessif (c’est
sa manière à lui). Mais on ne peut plus l’employer entre deux noms,
comme on le faisait dans l’ancienne langue, sauf dans des locutions figées (une
bête à Bon Dieu), par archaïsme ou dans un usage très familier. On
dira : la voiture de Julie, les fleurs de ma mère.
À : à,
en ou dans devant les noms géographiques
L’usage des
prépositions dans, en et à devant les noms géographiques, pour
marquer la situation ou la direction, n’est ni tout à fait fixé ni tout à
fait cohérent.
En général,
cependant, on fait les distinctions suivantes :
- devant les noms
de pays masculins commençant par une consonne on emploie au :
Être, aller au Brésil, au Canada. Devant Danemark, Luxembourg,
on rencontre parfois en ;
- devant les noms
de pays masculins commençant par une voyelle ou féminins, on emploie
en : Être, aller en Iran, en Uruguay, en Chine, en Espagne. La langue
classique utilisait plus largement à : Un voyage à la Chine ;
- devant les noms
féminins de grandes îles, on emploie en : En Crète, en Sicile,
en Nouvelle-Guinée. On emploie à devant les noms féminins de
petites îles lointaines : À la Réunion, à Tahiti. À la Martinique
même, toutefois, on dit plutôt en Martinique. Devant les noms de
petites îles d’Europe et devant des noms masculins de grandes îles
lointaines, on emploie à : À Malte, à Chypre, à Cuba ;
- les noms des
anciennes provinces françaises et des provinces hors de France se
construisent avec en quand ils sont féminins ou quand ils
commencent par une voyelle : En Auvergne, en Lombardie, en Normandie,
en Anjou. Mais on dit aussi : Dans la Calabre, etc.,
généralement avec le sens de « dans l’intérieur de ». Quand ils sont
masculins et commencent par une consonne, ils prennent en ou
dans le ; rarement au : En Berry, en Brabant, dans le Berry, dans
le Brabant. D’habitude, on dit dans les Flandres, mais en
Flandres est attesté ;
- devant les noms
de départements français, on emploie le plus souvent dans et
l’article ; Dans l’Ain, dans le Bas-Rhin, dans les Bouches-du-Rhône,
dans le Cher, dans le Gard, dans le Lot, dans la Creuse, dans le Var, dans
les Vosges. Les noms composés singuliers formés de deux éléments
coordonnés par et admettent en, sauf lorsque le premier de
ces noms est masculin : En Maine-et-Loire, en Seine-et-Marne,
mais : Dans le Tarn-et-Garonne, dans le Loir-et-Cher. Certains noms
simples se construisent aussi avec en : En Dordogne, en Gironde,
en Vendée. En Savoie (ancienne province) et en Corse (nom
d’île) sont usuels.
On ne saurait condamner les
tournures en Arles, en Avignon, bien attestées chez les meilleurs
auteurs, et qui s’expliquent à la fois comme archaïsme (l’usage de en
au lieu de à devant les noms de villes, surtout commençant par
une voyelle, était beaucoup plus répandu à l’époque classique) et comme
régionalisme provençal. Il semble cependant que cet emploi de en
soit en régression. Rien ne justifie qu’on l’applique à d’autres villes : on
ne dira pas en Arras, en Amiens, etc.
Quant à l’archaïsme (cf.
Chanson de Roland : « en Sarraguce » ; La Bruyère : « en Épidaure » ;
Racine : « en Argos »...), il peut être renforcé par le sentiment qu’Avignon
et Arles ont été des États souverains.
Quant au régionalisme, le
provençal, à l’instar du latin, distingue siéu (« je suis ») en
Arle, en Avignoun (qui répond à la question ubi du latin) de
vau (« je vais ») a(n) Arle, a(n) Avignoun (qui répond à la
question quo du latin), évitant le hiatus a/a par
l’introduction du n euphonique. Pour les francophones habitués à une
forme unique à pour les deux questions, en et an,
compris l’un et l’autre comme destinés à éviter le hiatus, se sont trouvés
confondus en en français.
À
ou chez (établissements
commerciaux)
Chez- étymologiquement : «
dans la maison » - ne se dit qu’en parlant de personnes et, par extension,
d'êtres animés ou d’êtres personnifiés : Il habite chez ses parents.
Chez les rapaces, le bec est généralement corné.
Dans le cas d'établissements
commerciaux, quatre cas sont possibles :
- la raison sociale se confond avec
un nom de personne, et l’on utilise chez : « Aller chez Durand et
fils » ;
- la raison sociale est un nom de
chose ou un groupe comprenant un tel nom, et l’on utilise à :
« Aller au Bon Marché » ;
- on traite comme nom de chose ce
qui était autrefois un nom de personne et on utilise à : « Aller à
la Samaritaine » ;
- on traite comme nom de personne un
nom de chose, un acronyme... et on utilise chez : « Aller chez Fiat
».
Dans le cas où l’usage n’est pas
fixé, à ou chez sont possibles : certains auront en tête
le nom de personne Leclerc et diront « chez Leclerc » ; d’autres, par une
sorte d’ellipse, diront « à Leclerc » pour « au magasin Leclerc ».
On dit peut-être plus couramment
à Carrefour, à Auchan... que chez Carrefour, chez Auchan. On
n’utilisera l’article défini que pour désigner un magasin particulier :
à l’Auchan de tel endroit, au Carrefour de telle ville.
Accentuation des majuscules
Quant à
l’utilisation des accents sur les majuscules, il est malheureusement
manifeste que l’usage est flottant. On observe dans les textes manuscrits
une tendance certaine à l’omission des accents. Il en va de même dans les
textes dactylographiés, en raison notamment des possibilités limitées
qu’offrent les machines traditionnelles. En typographie, enfin, certains
suppriment tous les accents sur les capitales sous prétexte de modernisme,
en fait pour réduire les frais de composition.
Il convient
cependant d’observer qu’en français, l’accent a pleine valeur
orthographique. Son absence ralentit la lecture, fait hésiter sur la
prononciation, et peut même induire en erreur.
On veille donc, en
bonne typographie, à utiliser systématiquement les capitales accentuées, y
compris la préposition À, comme le font bien sûr tous les
dictionnaires, à commencer par le Dictionnaire de l’Académie française,
ou les grammaires, comme le Bon usage de Grevisse, mais aussi
l’Imprimerie nationale, la Bibliothèque de la Pléiade, etc. Quant aux textes
manuscrits ou dactylographiés, il est évident que leurs auteurs, dans un
souci de clarté et de correction, auraient tout intérêt à suivre également
cette règle, en tirant éventuellement parti des ressources nouvelles que
peuvent offrir les traitements de texte modernes.
Il en va de même
pour le tréma et la cédille.
À
l’attention de, à l’intention de
La formule par
laquelle, dans le langage de l’administration, on indique le destinataire
d’une lettre, d’une communication, d’un envoi, est à l’attention de,
pour marquer que l’on attire l’attention du destinataire, que l’on
soumet cette lettre, etc. à son attention.
La locution à
l’intention de (quelqu’un) signifie « pour lui, dans le dessein que cela
lui soit agréable, profitable, bénéfique » : Il a acheté ce livre à leur
intention, pour le leur offrir. On compose un poème à l’intention
d’un ami. On fait dire une messe à l’intention d’un défunt.
Aller :
quel groupe de verbes ?
En tant
qu’irrégulier, le verbe aller ne saurait appartenir au « premier
groupe », qui ne comporte par définition que des verbes dont la conjugaison
est régulière, c’est-à-dire tous les verbes dont l’infinitif est en -er
sauf aller et envoyer. Il convient donc de le ranger dans le
« troisième groupe » avec tous les verbes irréguliers.
Sur ce point, voici
une délicieuse anecdote que rapportait Pierre Larousse dans son Grand
Dictionnaire universel:
Un Anglais se
plaignait amèrement de l’irrégularité des verbes français, qu’il
apprenait : le verbe aller, disait-il, est impossible. Il avait toutes les
peines du monde à retenir le premier temps, qu’il récitait à tout propos,
et qu’un jeune voyageur français lui avait appris ainsi :
Je vais,
Tu danses,
Il se promène,
Nous courons
Vous partez
Ils marchent.
Amour, délice et orgue
Amour, délice et orgue
peuvent être masculins au singulier et féminins au pluriel.
Amour (au sens de « sentiment passionné ; passion charnelle ») est
souvent féminin au pluriel. Cependant, on rencontre, soit dans un usage
populaire qui se reflète dans divers textes (chansons...), soit dans une
langue littéraire assez recherchée, amour au féminin singulier («
L’amour, la vraie, la grande... » chez Anouilh ; « la grande amour
» chez Queneau ; « cette amour curieuse » chez Valéry ; Une amour
violente, enregistré par l’Académie), tandis que le masculin pluriel
appartient à tous les niveaux de langue. En dehors de ces sens, amour
est presque toujours masculin, au singulier comme au pluriel ; il l’est
toujours quand il désigne des représentations du dieu Amour.
Délice est
généralement masculin au singulier et féminin au pluriel. Cependant, après
des expressions comme un de, un des, le plus grand des, etc., suivies
du complément délices au pluriel, le masculin est conservé : un de
ses plus suaves délices...
Orgue, masculin au
singulier, est généralement féminin au pluriel quand il désigne de façon
emphatique un seul instrument (les grandes orgues de cette cathédrale),
mais reste au masculin quand il s’agit d’un vrai pluriel (les orgues
anciens de cette région).
An deux mil ou an deux mille ?
L’Académie n’admet
(et ne privilégie) la variante mil de mille, dans les dates,
que lorsque le numéral au singulier est suivi d’un ou plusieurs autres
nombres.
Selon cette règle,
on devrait écrire l’an mille, mais la graphie l’an mil est
assez fréquente. Elle peut se justifier par l’étymologie : pour un seul
millier, le latin employait mille, d’où est issue en ancien français
la forme mil ; pour plusieurs milliers, le latin utilisait milia,
d’où vient notre mille, autrefois prononcé comme dans famille.
En outre, dès les débuts de notre langue, les deux formes mil et
mille ont été employées concurremment, au singulier comme au pluriel. La
règle actuelle, fixée par Oudin, est donc arbitraire. Mais elle s’est
imposée au XVIIIe siècle.
En résumé, nous
conseillons d’écrire non seulement l’an deux mille, mais aussi l’an
deux mille dix, etc.
Anglicismes et autres emprunts
Il est très
excessif de parler d’une invasion de la langue française par les mots
anglais.
Les emprunts à
l’anglais sont un phénomène ancien. Pour en donner quelques exemples :
Avant 1700 :
ajourner, boulingrin, contredanse, coroner, gentleman, gentry, groom,
highlander, lord, lord-maire, yard ;
— Entre 1700 et
1800 : anesthésie, bagage, balbuzard, gin, méthodisme, stick, yeoman ;
— entre 1800 et
1850 : autobiographie, bas-bleu, bifteck, cold-cream, job, mess,
silicium, sinécure, speech, steamboat ;
— entre 1850 et
1900 : base-ball, building, goal, lift, lunch, spinnaker, tea gown,
tea-room, visualiser ;
— entre 1900 et
1920 : autocar, chewing-gum, jingoïsme, périscope, technicolor, vamp,
vitamine ;
—entre 1920 et
1940 : bulldozer, mescaline, méson, silent-bloc ;
— entre 1940 et
1960 : battle-dress, half-track, jet, off-shore, oscar, permafrost, sexy,
show, station service ;
— Après 1960 :
airbus, audit, crackers, hardware, permissif, shopping center, software,
teddy-bear, vanity-case.
Il est vrai que les
emprunts se sont accélérés depuis une cinquantaine d’années. Un sondage
montre que 14 % des anglicismes d’usage courant ont été introduits en
français avant 1800, 22% entre 1800 et 1850, 9 % entre 1850 et 1900, 22 %
entre 1900 et 1950, 32 % depuis 1950. En outre, on a relevé dans le Petit
Larousse, entre l’édition de 1949 et celle de 1960, 105 nouveaux
emprunts à l’anglais contre 86 à l’ensemble des autres langues étrangères.
Aux emprunts proprement dits, il convient d’ajouter les emprunts sémantiques
(qui consistent à donner une nouvelle acception, anglaise en l’occurrence, à
des mots français existants comme conventionnel ou négocier),
les réintroductions de termes anciennement empruntés au français par
l’anglais (comme chalenge), et les calques (traductions terme à terme
de l’anglais comme guerre froide, cols blancs et cols bleus, homme
de la rue...).
Cette extension des
emprunts à l’anglais tient au fait que, utilisé comme première ou seconde
langue par un milliard et demi de locuteurs, donc langue la plus parlée du
monde, l’anglais est aussi la langue de la première puissance économique,
politique et militaire, et l’instrument de communication de larges domaines
spécialisés des sciences et techniques, des transports, etc. À cela s’ajoute
que l’on concède généralement à l’anglais une concision expressive qui, si
elle peut nuire parfois à la précision (surtout dans l’anglo-américain
très pauvre qui sert ordinairement de langue internationale commune),
s’accorde au rythme précipité de la vie moderne. Langue mondiale d’usage
pratique, l’anglais (principalement l’anglo-américain) exerce une forte
pression sur toutes les autres langues. Si Étiemble a popularisé en 1964
(dans son livre Parlez-vous franglais ?), le terme qu’il avait créé
en 1959, on rencontre à la même époque Japlish « mélange de japonais
et d’anglais », puis Spanglish « espagnol et anglais », Gerglish
« allemand et anglais », Russglish, etc. Dans tous les pays, des
inquiétudes se sont manifestées, parfois avec véhémence, des voix ont
proclamé que la langue nationale était en danger. Or qu’en est-il vraiment ?
Un Dictionnaire
des anglicismes de 1990 en enregistre moins de 3000, dont près de la
moitié sont d’ores et déjà vieillis. Les anglicismes d’usage, donc,
représenteraient environ 2,5 % du vocabulaire courant (60 000 mots). Un
Dictionnaire des mots anglais du français de 1998, plus vaste, évalue
les emprunts de l’anglais à 4 ou 5 % par rapport au lexique français
courant. Si l’on considère les fréquences d’emploi de ces anglicismes, on
constate que beaucoup appartiennent à des domaines spécialisés ou
semi-spécialisés et sont donc assez peu fréquents dans la langue courante.
Quant aux termes purement techniques d’origine anglaise en usage en France,
leur pourcentage est du même ordre.
Il est en outre à
noter que l’on ne considère ordinairement que le lexique pour parler d’une
« invasion » de l’anglais. Mais ni le système phonologique, ni la
morphologie, ni la syntaxe (à l’exception de quelques mots comme danse
écrit dance, connexion écrit connection ou langage
écrit language, fautes assez courantes, et à part l’abus des
tournures passives et des emplois erronés des participes présents) ne sont
touchés. Les anglicismes de structure, d’ailleurs, se rencontrent
essentiellement dans de mauvaises traductions.
Comment se
comporter vis-à-vis des emprunts ? La question n’est pas neuve : au XVIe
siècle, déjà, certains s’inquiétaient des italianismes — quelques centaines
de mots italiens introduits en français.
Certains emprunts
contribuent à la vie de la langue, quand le français n’a pas d’équivalent
tout prêt ni les moyens d’en fabriquer un qui soit commode, quand ils
répondent à un besoin, et quand leur sens est tout à fait clair. C’est ainsi
que Nodier, cité par Littré, remarquait que « Confortable est un
anglicisme très-intelligible et très-nécessaire à notre langue, où il n’a
pas d’équivalent. »
D’autres sont
inutiles, comme la plupart de ceux qui relèvent d’une mode, ceux par exemple
qui ont été introduits au XIXe siècle par les « snobs » et les
« sportsmen »: emprunts « de luxe » en quelque sorte, qui permettent de se
distinguer, alors que le français dispose déjà de l’équivalent. Ainsi
bitter pour amer, speech pour discours, goal
pour but (sports). On remarquera qu’il en va ici comme de toutes les
modes, et que ces anglicismes-là n’ont qu’une vie éphémère; plus personne ne
dit speaker (à la radio), lift (pour ascenseur) ou
trench-coat, tea gown, etc.
D’autres enfin sont
nuisibles quand ils sont dus à une recherche de la facilité qui ne fait
qu’introduire la confusion : on emploie un anglicisme vague pour ne pas se
donner la peine de chercher le terme français existant parmi plusieurs
synonymes ou quasi-synonymes. C’est le cas, entre autres, de finaliser,
performant, ou, pire encore, de cool, speed (jargon des
adolescents).
Il y a donc un tri
à opérer. L’Académie française s’y consacre, directement dans son
Dictionnaire et ses mises en garde, indirectement par son rôle auprès des
commissions officielles de terminologie et de néologie mises en place dans
les divers ministères et de la Commission générale. Les travaux de ces
commissions, instituées par le décret du 3 juillet 1996, sont soumis à
l’approbation de l’Académie. Il convient de préciser que l’établissement de
listes d’équivalents à substituer aux anglicismes dans les textes officiels
ne représente qu’un aspect de l’activité des commissions.
Au jour
d’aujourd’hui
Au jour d’aujourd’hui,
particulièrement redondant puisque aujourd’hui comporte déjà deux
fois l’idée du « jour où nous sommes » (c’est le sens de hui, qui
vient du latin hodie), se trouve parfois dans la langue littéraire,
chez de fort bons auteurs, et très bien employée, lorsqu’il y a volonté
d’insistance, pour bien marquer soit une étroite limite temporelle, soit une
immédiate actualité. Ainsi chez Maurice Genevoix : « Une riche plaine bien
de chez nous, aussi belle qu’au jour d’aujourd’hui ». On l’emploie souvent
avec une nuance de plaisanterie. L’essentiel est de n’en pas abuser, mais en
elle-même, cette tournure n’est pas incorrecte.
Au temps
pour moi
Il est impossible
de savoir précisément quand et comment est apparue l’expression familière
au temps pour moi, issue du langage militaire, où au temps ! se
dit pour commander la reprise d’un mouvement depuis le début (au temps
pour les crosses, etc.). De ce sens de C’est à reprendre, on a pu
glisser à l’emploi figuré. On dit Au temps pour moi pour admettre son
erreur — et concéder que l’on va reprendre ou reconsidérer les choses depuis
leur début.
L’origine de cette
expression n’étant plus comprise, la graphie Autant pour moi est
courante aujourd’hui, mais rien ne la justifie.
Cédérom
L’Académie
française adopte « cédérom » (Communiqué du 31 mai 1996).
M. Maurice Druon,
Secrétaire perpétuel de l’Académie française, communique :
L’Académie
française constate que le sigle américain CD-ROM s’est installé dans l’usage
de manière définitive pour désigner un objet d’emploi de plus en plus
courant. Mais ce sigle, devenu terme en soi, comme Radar ou Laser,
est jusqu’à présent transcrit d’une façon qui heurte notre graphie. L’Académie
a donc décidé de le franciser en l’alignant sur la prononciation, et d’en
admettre l’entrée au Dictionnaire sous la forme et avec la définition
suivantes :
CÉDÉROM n. m. (le m final se fait entendre)
adapté du sigle américain CD-ROM, Compact disc read only memory. Disque
optique de grande capacité dont la mémoire non altérable est programmée
exclusivement pour la conservation, la lecture et la consultation des
informations ou données (textes, images, sons) qui y sont enregistrées. Ex.
Cette œuvre a été mise sur cédérom.
Cent,
vingt
De façon générale,
on met le trait d’union entre les numéraux inférieurs à cent (et non
coordonnés par et) : vingt-quatre mais vingt et un.
Vingt (et cent) prennent le s quand, multipliés, ils
terminent le numéral cardinal. On écrit donc : Nous étions quatre-vingts
chasseurs. Quatre-vingt-trois. Quatre-vingt-seize. Cent vingt. Cinq cents.
Cinq cent quatre-vingts.
Le Conseil
supérieur de la langue française a proposé en 1990 de mettre le trait
d’union entre tous les numéraux, mais cet usage ne semble pas se répandre.
Vingt et
cent employés comme numéraux ordinaux pour vingtième et
centième restent invariables : Page quatre-vingt. Les années
quatre-vingt.
Ce qui
reste ou ce qu’il reste ?
Avec les verbes
susceptibles d’être construits soit personnellement, soit impersonnellement,
on utilise ce qui ou ce qu’il : qui est le sujet du
verbe construit personnellement, qu’il apparaît dans la tournure
impersonnelle. La nuance entre les deux possibilités est parfois
indiscernable. Ainsi : ce qui restait d’élèves… (Pagnol) ; ce qui
lui reste de sainteté (Maurois) ; ce qu’il lui restait à faire
(R. Rolland) ; ce qu’il vous reste à découvrir (Duhamel).
On peut donc écrire
aussi bien : nous verrons ce qui se passera ou ce qu’il se passera.
Ci-annexé,
ci-inclus, ci-joint
1. L’accord se fait normalement :
a) lorsque ces
locutions adjectives, avec la fonction d’épithète, suivent immédiatement le
nom auquel elles se rapportent : La lettre ci-annexée. La note ci-incluse
apporte les précisions nécessaires. Veuillez remplir la déclaration
ci-jointe. Ne communiquez à personne les pièces ci-jointes.
b) lorsqu’elles
sont attributs du sujet : Votre lettre est ci-jointe.
2. Inversement,
elles demeurent invariables lorsqu’elles ont une valeur nettement adverbiale
(elles sont alors traitées sur le modèle des locutions adverbiales
ci-après ou ci-contre), ce qui est le cas notamment lorsqu’elles
sont placées :
a) en tête d’une
phrase sans verbe, devant un groupe nominal (avec ou sans déterminant) :
Ci-annexé la copie des pièces demandées. Ci-inclus les photocopies du
document. Ci-joint l’expédition du jugement. Ci-joint les deux quittances
exigées. Ou encore : Ci-joint copie du rapport. On écrira
cependant : Ci-incluses, ces pièces vous sont communiquées pour
information (tour rare, il est vrai), la locution étant ici en
apposition.
b) à l’intérieur
d’une phrase, avec un nom sans déterminant (qu’elles précèdent
ordinairement) : Je vous adresse ci-inclus quittance de votre versement.
Vous trouverez ci-joint copie du contrat. La circulaire dont vous trouverez
copie ci-inclus.
3. Dans les autres
cas, lorsque ces locutions sont employées, dans le corps de la phrase, avec
un substantif accompagné d’un déterminant, l’usage n’est pas fixé. Selon
qu’on leur accorde une valeur adjective ou adverbiale — sans qu’il soit
jamais possible de trancher—, on fait ou non l’accord. La huitième édition
de l’Académie (1935) ne manquait pas de rendre compte d’une telle latitude :
vous trouverez ci-incluse la copie que vous m’avez demandée (article
CI). Vous trouverez ci-inclus une lettre de votre père (article
INCLUS). On écrira donc : Je vous fais parvenir ci-joint, ou ci-joints
plusieurs exemplaires de mon mémoire. Il en va de même lorsque CI-ANNEXÉ,
CI-INCLUS ou CI-JOINT peuvent être considérés comme l’attribut d’un pronom
antéposé : Retournez-moi les formulaires que vous trouverez ci-joints. La
lettre que vous trouverez ci-incluse. Mais l’invariabilité —Retournez-moi
les formulaires que vous trouverez ci-joint. La lettre que vous trouverez
ci-inclus — apparaissant aussi pleinement justifiée, aucune des deux
graphies ne saurait être tenue pour fautive.
L’incertitude
observée dans l’usage, qui ne doit rien, on le voit, à l’hésitation ou à
l’arbitraire, peut cependant être levée en fonction de connotations diverses
tenant au contexte, ou parfois même à la recherche de tel ou tel effet
stylistique. Si Bernanos écrit à l’un de ses correspondants : « Vous
trouverez ci-joint les pages dactylographiées de mon roman », Hugo
préfère : « Je vous envoie ci-incluses des paroles prononcées ici par
moi au moment de la proscription ». on se plaît à relever chez Musset (Nouvelles,
« Margot », I) l’exemple suivant : « Je prends la liberté de vous
envoyer ci-jointes des rillettes ».
Courbatu,
courbaturé
Les mots
courbatu et courbaturé sont corrects mais, bien que l’on emploie
souvent l’un pour l’autre, ils ne sont pas tout à fait synonymes. Le
Dictionnaire de l’Académie française (neuvième édition, en cours de
publication), donne les définitions suivantes :
COURBATU,-UE adj. XIVe siècle. Déformation de
court-battu, composé de court, pris adverbialement, et de
battu, proprement « battu à bras raccourcis », « bien battu ».
Qui éprouve une
grande lassitude du corps et surtout des jambes. Après cette longue
marche, je me sentais tout courbatu.
COURBATURE n. f. XVIe siècle. Dérivé de courbatu.
Raideur musculaire provoquée par la fatigue ou la maladie. Avoir des
courbatures.
COURBATURER v. tr. XIXe siècle. Dérivé de courbature.
Provoquer des
courbatures. Généralement au participe passé. Il est tout courbaturé
d’être resté longtemps penché.
Courriel
Courriel a bien été
approuvé par l’Académie : la loi dispose que les avis de la Commission
générale de terminologie et de néologie ne peuvent être publiés au
Journal officiel qu’avec l’aval ou le consentement de l’Académie
française. L’Académie considère que l’avis relatif au mot courriel
publié au Journal officiel du 20 juin 2003 n’abroge pas les avis
antérieurs (voir ci-après Vocabulaire de l’informatique et de l’internet),
il les complète. D’origine québécoise, courriel, qui ne figurait pas
précédemment dans le vocabulaire officiel, y a été ajouté parce qu’il
s’était répandu spontanément dans l’usage. On peut l’employer conjointement
avec ses synonymes courrier électronique, message(rie) électronique.
Quant à mél., il
reste bien précisé que ce terme n’est pas un mot plein, mais un symbole qui
doit s’utiliser seulement dans les mêmes conditions que tél. pour
téléphone. Si l’usage se répandait néanmoins de le traiter comme un mot
plein (Envoyer, recevoir un mel), il conviendrait de l’écrire sans
accent ni point abréviatif, mais cela n’est pas encore admis. L’Académie
suit attentivement cette question.
Déchèterie
Considérant que le
suffixe utilisé dans ce genre de cas est -erie, forme élargie de -ie,
et qu’il n’existe pas de suffixe -terie, l’Académie française a
choisi la forme la plus simple et la plus conforme à l’esprit de la langue
en orthographiant déchèterie.
C’est la forme que
préconise, entre autres, l’Assemblée des districts et des communautés de
France.
Deuxième, second
Longtemps,
second a été la forme la plus courante, et certains grammairiens
prétendaient réserver l’usage de deuxième aux cas où la série
comprenait plus de deux éléments ; lorsque l’emploi de second s’est
fait plus rare, on a voulu le réduire aux cas où la série ne comprend que
deux éléments. Littré, déjà, contestait cette distinction qui jamais ne
s’est imposée dans l’usage, même chez les meilleurs auteurs.
L’unique différence
d’emploi effective entre deuxième et second est que second
appartient aujourd’hui à la langue soignée, et que seul deuxième
entre dans la formation des ordinaux complexes (vingt-deuxième,
etc.).
Dimanche :
premier ou dernier jour de la semaine ?
Le dimanche (du
latin chrétien dies dominicus, « jour du Seigneur ») était encore
défini par la septième édition (1878) du Dictionnaire de l’Académie
française comme le premier jour de la semaine. Dans la huitième édition
(1932), il devenait le dernier. La neuvième édition, en cours de
publication, indique :
Traditionnellement, et aujourd’hui encore dans la langue religieuse,
premier jour de la semaine qui commémore la résurrection du Christ ; il
comportait aussi la prescription du repos. Dans la langue courante,
septième et dernier jour de la semaine.
Dans l’usage
courant, du fait du sentiment que l’on a que le repos dominical vient
après la semaine de travail, c’est le lundi qui est devenu le premier
jour de la semaine. Ce sentiment se traduit dans une recommandation de
l’Organisation internationale de standardisation (ISO), et dans la
présentation des agendas, où le dimanche figure en fin de page ou de double
page.
En tant ou autant que de
(besoin, raison) ?
La tournure en
tant que de (besoin, raison) est un archaïsme.
On a dit :
telle chose est de besoin ("on en a besoin"). D’où, elliptiquement,
en tant que (cela sera) de besoin : dans la mesure où
l’on en aura besoin. En tant que de raison : dans la mesure où
cela sera raisonnable. Le langage administratif et juridique, plus
conservateur que l’usage courant, a maintenu diverses tournures
elliptiques du même genre (par exemple, délivré pour valoir ce que de
droit).
L’état de droit
Bien que l’erreur
soit fréquemment commise, état s’écrit sans majuscule dans
l’expression état de droit, lorsque l’acception de ce mot est
« situation » (comme dans état d’urgence ou état de siège...)
et non « corps politique » (comme dans État souverain ou État
démocratique...). Ainsi : Rousseau imagine le passage de l’état de
nature à l’état de droit, mais : La République française est un État
de droit.
Euro, cent
L’Académie
française rappelle que le mot euro prend la marque du pluriel : on
écrit un euro, des euros (Cf Journal
officiel du 2 décembre 1997). La centième partie de l’euro doit
se dire et s’écrire centime (Communiqué
de presse du 13 décembre 2001).
La marque du
pluriel n’étant pas la même selon que l’on utilise telle ou telle langue de
l’Union européenne, c’est la forme euro qui figure sur les billets et
sur les pièces. Elle peut être considérée comme un symbole et non comme
l’indication de n unités monétaires. (Cf site
de la Banque de France). Son abréviation est, selon la norme ISO, EUR.
Être pour aller
Être s’emploie
parfois dans le sens du verbe aller :
- dans l’usage littéraire au passé
simple et au subjonctif imparfait ;
- dans l’usage familier aux temps
composés.
Cet
emploi est attesté chez des contemporains tels que F. Mauriac, J. Green, M.
Tournier. Il remonte aux origines de la langue ; on le rencontrait déjà en
latin. Molière, Bossuet, Montesquieu en offrent des exemples, ainsi que
Voltaire, qui pourtant le condamnait chez Corneille.
Évènement
L’Académie
française, dans la neuvième édition de son Dictionnaire, écrit, en
accord avec les recommandations du Conseil supérieur de la langue française
de 1990, évènement. La graphie ancienne événement n’est
cependant pas considérée comme fautive, encore que rien ne la justifie plus.
Sa survivance s’explique par le fait que la régularisation de ce mot, ainsi
que de quelques autres, d’abrègement à vènerie, avait été
oubliée lors de la préparation tant de la septième édition (1878) que de la
huitième (1935).
Parmi les mots rectifiés dans la septième édition conformément à l’évolution
phonétique de la langue, on peut citer avènement ou collège.
Première édition (1694) ; a(d)venement ; college ; deuxième
édition (1718) : avenement, college ; de la troisième à la
sixième (1740-1835) : avénement, collége ; depuis la septième
: avènement, collège. Évènement aurait dû, de toute
évidence, être traité comme avènement.
Voyez ci-après les articles
Orthographes recommandées et
Rectifications.
Fainéant
Si, de fait, les
formes faignant ou feignant sont aujourd’hui « populaires »,
elles sont les premières attestées, et c’est fainéant qui a constitué
une altération populaire, d’après fait (forme verbale de faire)
et néant, de faignant, feignant, participe présent de
feindre, au sens ancien de « se dérober (à la tâche), rester inactif ».
Féminisation (Déclaration
de l’Académie française, 14 juin 1984)
L’Académie a appris
par la presse l’existence d’une Commission de terminologie, créée à
l’initiative du Gouvernement (décret du 29 Février 1984), « chargée
d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière
générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes ».
Le décret précise
que « la féminisation des noms de professions et des titres vise à combler
certaines lacunes de l’usage de la langue française ».
On peut craindre
que, ainsi définie, la tâche assignée à cette commission ne procède d’un
contresens sur la notion de genre grammatical, et qu’elle ne débouche sur
des propositions contraires à l’esprit de la langue.
Il convient en
effet de rappeler qu’en français comme dans les autres langues
indo-européennes, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre
grammatical et le genre naturel.
Le français connaît
deux genres, traditionnellement dénommés « masculin » et « féminin ». Ces
vocables hérités de l’ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen
satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur
fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement
marqué et non marqué.
Le genre dit
couramment « masculin »est le genre non marqué, qu’on peut appeler aussi
extensif en ce sens qu’il a capacité à représenter à lui seul les éléments
relevant de l’un et l’autre genre. Quand on dit « tous les hommes sont
mortels », « cette ville compte 20 000 habitants », « tous les candidats ont
été reçus à l’examen », etc..., le genre non marqué désigne indifféremment
des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré,
l’opposition des sexes n’est pas pertinente et qu’on peut donc les
confondre.
En revanche, le
genre dit couramment « féminin » est le genre marqué, ou intensif. Or, la
marque est privative. Elle affecte le terme marqué d’une limitation dont
l’autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre
marqué, appliqué aux être animés, institue entre les sexes une ségrégation.
Il en résulte que
pour réformer le vocabulaire des métiers et mettre les hommes et les femmes
sur un pied de complète égalité, on devrait recommander que, dans tous les
cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit « féminin »- en
français, genre discriminatoire au premier chef - soient évités ; et que,
chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations
professionnelles le genre non marqué.
Seul maître en la
matière, l’usage ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Quand on a maladroitement
forgé des noms de métier au féminin, parce qu’on s’imaginait qu’ils
manquaient, leur faible rendement (dû au fait que le cas non marqué
contenait déjà dans ses emplois ceux du cas marqué) les a très vite
empreints d’une nuance dépréciative : cheffesse, doctoresse, poétesse, etc.
On peut s’attendre à ce que d’autres créations non moins artificielles
subissent le même sort, et que le résultat aille directement à l’encontre du
but visé.
Il convient enfin
de rappeler qu’en français la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à
rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs
en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de
classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de
souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer
des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le
jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales...
Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la
désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements,
faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des
répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le
désordre dans un équilibre subtil né de l’usage, et qu’il paraîtrait mieux
avisé de laisser à l’usage le soin de modifier.
Féminisation (Consultez sur le site de la
D.G.L.F., Le rapport de la Commission générale de terminologie et de
néologie)
Fini(es) les vacances !
Le participe
fini placé en tête d’une phrase s’accorde le plus souvent (Finies,
les vacances !). Mais de bons auteurs, voyant là une réduction de
C’est fini, le laissent invariable. Cela peut donc s’admettre.
Dans les deux cas, fini est régulièrement suivi d’une virgule.
Gré (savoir)
L’expression par
laquelle on exprime sa reconnaissance est savoir gré (à quelqu’un)
de (ou, plus rarement, pour) quelque chose, non être gré.
On écrit donc Je vous saurais gré, non je vous serais gré.
Le haricot ou l’haricot ?
Le h de
haricot est « aspiré », c’est-à-dire qu’il interdit la liaison, impose
que ce mot soit prononcé disjoint de celui qui le précède, au singulier
comme au pluriel. On écrit et dit : le haricot, non l’haricot ;
un beau haricot, non un bel haricot. Tous les
dictionnaires indiquent par un signe conventionnel quels h
(généralement d’origine germanique) sont aspirés et quels h
(généralement d’origine gréco-latine) ne le sont pas. Pour certains mots,
l’usage est indécis. Ce n’est pas le cas de haricot : la liaison est
incontestablement une faute.
La rumeur selon
laquelle il serait aujourd’hui d’usage et admis que l’on fasse cette liaison
a été colportée par un journal largement diffusé dans les établissements
scolaires, L’Actu (n°8 du jeudi 3 septembre 1998, p.7), qui n’a pas
jugé bon de publier de rectificatif.
Leur chapeau ou leurs chapeaux ?
L’usage des meilleurs
auteurs hésite entre le singulier et le pluriel (pour le nom et pour le
possessif) lorsqu’un nom désigne une réalité dont plusieurs « possesseurs »
possèdent chacun un exemplaire : on considère tantôt l’exemplaire de chacun,
tantôt l’ensemble des exemplaires. Ainsi : « Mes compagnons, ôtant leur
chapeau goudronné [...] » (Chateaubriand) ; « Les deux lords [...] ôtèrent
leurs chapeaux » (Hugo) ; « trois avaient déjà retrouvé leur femme »
(Chamson) ; « deux de mes amis et leurs femmes » (Arland).
Malgré que
Malgré que
s’emploie bien dans la langue soutenue, mais seulement avec le verbe
avoir conjugué au subjonctif. Malgré que j’en aie, quelque
mauvais gré, si mauvais gré que j’en aie ; en dépit de moi, de ma volonté :
Je reconnais les mérites de mon rival, malgré que j’en aie. Malgré qu’il
en ait, nous savons son secret. Elle ne put cacher son dépit, malgré qu’elle
en eût.
En revanche, encore
que de nombreux écrivains aient utilisé la locution conjonctive Malgré
que dans le sens de Bien que, quoique, il est recommandé d’éviter
cet emploi.
Mandature
Mandature
est un néologisme incorrect et totalement inutile, né de l’intime conviction
de certains que plus un mot est long, et plus il confère d’importance à la
chose qu’il désigne. On a toujours dit mandat pour nommer non
seulement la fonction, la charge publique conférée par élection, mais aussi
la durée d’exercice de cette charge : Durant son mandat, et non :
Durant sa mandature.
Mastaire (Résolution
de l’Académie française, 28 mars 2002)
L’Académie
française a été informée par les commissions de terminologie de l’existence
d’un projet de décret préparé par le Ministère de l’Éducation nationale dont
le seul objet serait de remplacer le terme mastaire, officialisé
comme diplôme de l’enseignement supérieur par un décret du 30 août 1999, par
celui de master.
Dans la mesure où
ce projet consisterait en une simple modification de l’orthographe d’un nom
de diplôme, l’Académie française doute qu’il soit de la compétence d’un
décret d’y procéder.
Dans la mesure où
il s’agit de remplacer un terme français par un terme anglais, ce décret
serait en outre contraire à l’article 2 de la Constitution, à la loi du 4
août 1994 relative à l’emploi de la langue française et au décret du 3
juillet 1996 relatif à l’enrichissement de la langue française. La violation
de ces textes solennels serait d’autant plus critiquable que l’État, qui
dispose du monopole de la collation des grades, imposerait un anglicisme à
l’usage général, y compris dans les enseignements professionnel et privé.
Mais les réserves
exprimées dans la presse à propos de ce texte, émanant des centres
hospitaliers et universitaires, des grandes écoles d’ingénieurs et des
chambres de commerce et d’industrie, montrent qu’il faut aller au-delà des
apparences.
Le grade de
mastaire sanctionnant cinq années d’études supérieures après le
baccalauréat a été créé en France en 1999 pour préparer une harmonisation
des études et des diplômes au sein de l’Union européenne et préfigurer un
" espace européen de l’enseignement supérieur ". Le choix du terme
mastaire désignant d’abord un grade, puis un diplôme, s’expliquerait par
le souci de disposer d’un mot nouveau, d’usage général, susceptible de se
substituer à terme aux DEA, DESS et diplôme d’ingénieur.
Ce serait afin de
faciliter la reconnaissance de ce niveau d’études dans le cadre européen et
anglo-saxon qu’aurait été décidé le remplacement du terme initialement
retenu par le terme anglais de master. Aucune de ces considérations
ne saurait être retenue par l’Académie française.
Le terme
mastaire est un néologisme dont la morphologie n’est nullement justifiée
et dont la création n’est pas nécessaire. Son usage ne s’est pas répandu. Il
est l’homonyme de mastère, existant par ailleurs. Il faut
l’abandonner.
Le terme master
est un pur emprunt à l’anglais, d’ailleurs dénaturé. Désignant en anglais
des diplômes très divers, il ne s’emploie pas seul, mais toujours complété
par la précision de la discipline : master of Arts, par exemple.
Prétendre que cet emprunt faciliterait la reconnaissance du diplôme au sein
de l’Union européenne méconnaît totalement la diversité linguistique de
l’Union. Il ne faut pas l’introduire dans le vocabulaire français et tenter
de forcer ainsi la main à nos partenaires non anglophones.
L’Académie
française ne se prononcera pas sur le bien-fondé d’une réforme tendant à ce
que tous les diplômes terminaux, et les grades, obtenus après cinq années
d’études supérieures après le baccalauréat reçoivent la même dénomination.
Mais si tel est l’objectif retenu, le vocabulaire français dispose de
plusieurs mots pouvant répondre à ce souci de généralité, de cohérence et de
clarté, parmi lesquels : diplôme, maîtrise, magistère.
Il serait vain de
dénaturer maladroitement le vocabulaire pour précipiter une réforme
d’envergure et de longue haleine. Au contraire, celle-ci entrera d’autant
plus aisément en application que le vocabulaire qui l’exprime sera simple,
naturel et judicieusement choisi.
Mél.
(Consultez le site de la
D.G.L.F.)
Millénaire (début du troisième)
Vous vous
préoccupez de savoir si le XXIe siècle commence le 1er
janvier 2000 ou le 1er janvier 2001. Dans sa 8e
édition, le Dictionnaire de l’Académie française écrit : « (Siècle) se dit
particulièrement d’une période de cent ans, comptée à partir d’une ère
donnée, spécialement de l’ère chrétienne » et donne l’exemple suivant, qui
répond à votre question : « Le siècle actuel a commencé le premier jour de
l’année 1901 et finira le dernier jour de l’année 2000 ».
Un millénaire est
une durée de mille ans ou dix siècles. Un millénaire, comme un siècle, ne
peut être complet qu’à l’achèvement de sa dernière année. L’ère chrétienne
commence, selon la définition actuelle, au 1er janvier de l’an un
et non d’un an zéro qui n’a jamais existé dans la chronologie. De même que
le XXIe siècle, le troisième millénaire commencera donc le 1er
janvier 2001.
Toutes les
autorités s’accordent sur ce point, du Bureau des longitudes, chargé de
l’établissement des éphémérides, aux normes nationale AFNOR et
internationale ISO.
Nom collectif suivi d’un complément au pluriel (accord du verbe)
Ce problème
d’accord se présente dans de nombreux cas où le sujet est formé d’un nom et
de ce qu’on peut appeler, suivant la terminologie du Bon Usage de
Maurice Grevisse, un « pseudo-complément » : l’accord se fait soit avec le
nom, soit avec son « pseudo-complément », selon que celui-ci ou celui-là
frappe le plus l’esprit, et que l’on considère les êtres ou les objets dont
il s’agit ou bien comme formant essentiellement un ensemble, ou bien en
détail, dans leur pluralité. Ainsi : Une foule de malades accourait
(c’est une foule qui accourt) mais : Une foule de gens diront qu’il n’en
est rien (chacun d’eux dira…). Dans ce dernier cas, la subordination
logique l’emportant sur la subordination grammaticale, on parlera d’accord
par syllepse. Cet accord par syllepse est parfois obligatoire : après
nombre, la plupart, quantité, l’accord se fait avec le « pseudo-complément ».
Dans le cas d’ensemble, on écrira aussi bien : l’ensemble des
intéressés a ou ont protesté.
L’accord dépend du
sens des mots, mais aussi de l’intention de l’auteur. On trouvera donc :
Un grand nombre de soldats fut tué dans ce combat (Littré) et Un
grand nombre de soldats périrent dans ce combat (Académie).
En particulier dans
le cas d’un nom numéral au singulier suivi d’un complément au pluriel,
l’accord peut se faire avec ce complément ou avec le terme quantitatif quand
la personne qui écrit arrête son attention sur celui-ci plutôt que sur son
complément. L’Académie admet les deux possibilités : Une quinzaine de
francs suffira ou suffiront pour sa dépense.
Nombre de mots de la langue française
La définition même
de « mot » fait difficulté, ce qui vide de sens la question de la
« richesse » relative du vocabulaire des diverses langues : les langues
dites « agglutinantes », par exemple, peuvent créer une infinité de « mots »
dont chacun équivaudrait pour nous à une phrase entière. Est-ce que
j’utilise plus de « mots » si je dis melting pot ou rayon de
soleil que si je dis creuset ou sunray ?
Si l’on parle de
la langue française (ou anglaise), de quoi s’agit-il ? Prend-on
en considération tous les domaines, toutes les époques, tous les niveaux de
langue ? Il est impossible de fournir un dénombrement de l’ensemble des
formes qu’offre une langue : certaines (comme dans le cas de tous les verbes
que l’on peut composer avec le préfixe re-) n’ont qu’une existence
virtuelle ; chaque jour, d’autres se créent ou disparaissent de l’usage. Le
vocabulaire spécialisé des sciences est en constant développement : le
Dictionnaire de la chimie de Duval, loin d’être exhaustif puisqu’on
distingue plus de 100 000 matières colorantes, comptait déjà 26 400 entrées
en 1935, mais plus de 70 000 en 1977 !
Tout ce que l’on
peut dénombrer, ce sont les «entrées» constituant les nomenclatures des
divers dictionnaires, les formes qu’ils enregistrent, choisies par les
éditeurs selon l’idée qu’ils se font des besoins de l’utilisateur et selon
des principes qui leur sont propres : une entrée générale pour une même
forme ou une par sens, syntagmes composés en plus des formes simples, etc.
Fondés sur des
enquêtes de fréquence, le «français fondamental» et le «français
élémentaire» comptent respectivement un peu plus de 1 000 à 3 000 entrées.
Les dictionnaires scolaires destinés aux élèves de 8 à 14 ans en comptent de
2 000 à 20 000, le Trésor de la langue française environ 100 000 (non
compris les dérivés intégrés aux articles), les grands dictionnaires
encyclopédiques environ 200 000 (y compris les noms propres).
Quant aux
dictionnaires de la langue courante, qui recensent grosso modo le
vocabulaire nécessaire à la conversation, à la lecture de la presse générale
d’information et à celle des textes littéraires du XVIe siècle à
nos jours, en y ajoutant un pourcentage variable des termes spéciaux, de
formes rares, archaïques, régionales ou dialectales, ainsi que d’emprunts
aux divers pays francophones ou aux langues étrangères, ils comportent
environ 60 000 entrées, en français comme en anglais ou en chinois.
Nombres inférieurs à 2 : accord
Un nom précédé
d’une indication chiffrée inférieure à 2 (avec virgule) reste au singulier.
On écrit donc : 1,5 milliard ; 1,9 milliard, ce qui, d’ailleurs, se
lira plutôt : un milliard et demi et un milliard neuf cents
millions ou un milliard virgule neuf.
Noms de localités commençant par Le ou Les
Quand un nom de
ville commence par l’article défini masculin ou pluriel, cet article se
contracte avec la préposition à ou de : Aller du Havre au
Touquet et non de Le Havre à Le Touquet ; être né aux Lilas ;
revenir des Deux-Alpes ; la plage des Issambres, la poste des Rousses, la
mairie des Sables-d’Olonne.
On (accord)
Le pronom indéfini
on, qui désigne un sujet dont on ignore le sexe ou le nombre, exige,
en principe, un attribut ou un participe au genre non marqué, c’est-à-dire
au masculin, et au singulier.
On écrira bien, en
effet : On est parvenu à réduire le débit du fleuve ; on est
fatigué de ce combat ; on n’est pas sûr du résultat.
Il arrive pourtant
que on ne désigne pas les hommes en général, des personnes indéterminées,
mais telle ou telle personne : dans ce cas, l’accord se fait tout
naturellement en genre et parfois même en nombre.
C’est le sens qui
commande, et le goût. On s’était fâchés ; on s’est séparés à
regrets ; on est allés ensemble jusqu’au bout du chemin... ne
sont donc pas des tournures fautives.
Littré relevait
déjà chez Corneille, Molière, Racine, La Bruyère, Marivaux, Rousseau... de
nombreux exemples de cet accord selon le sens, qui caractérise la syllepse,
et se retrouve d’ailleurs dans d’autres tournures telles que La plupart
comprennent ; bon nombre sont venus ; quantité ont disparu,
etc.
Origine du français
La langue française
est une langue indo-européenne, comme l’allemand et l’anglais ou le russe.
Mais c’est une langue romane, issue du latin, comme l’italien, l’espagnol,
etc., tandis que l’allemand et l’anglais appartiennent au groupe des langues
germaniques (plus précisément, au germanique occidental), bien que l’anglais
doive une bonne part de son vocabulaire au français.
Le serment de
Strasbourg (842) marque la fin des luttes entre les petits-fils de
Charlemagne. Après avoir vaincu Lothaire, Charles le Chauve et Louis le
Germanique se rencontrent à Strasbourg afin de confirmer leur alliance,
devant leurs troupes, par ce serment. Charles et les soldats de Louis le
prononcent en langue tudesque (qui est déjà de l’allemand) ; Louis et les
soldats de Charles le prononcent en langue romane (qui est déjà du
français). Les formules de ce serment, consignées par l’historien Nithard,
constituent donc les plus anciens textes qui nous soient parvenus en langue
française et en langue allemande.
Ostensible
La différence entre
Ostensible et Ostentatoire ressort clairement des définitions
de la huitième édition du Dictionnaire de l’Académie française :
OSTENSIBLE adj. des deux genres. Qui peut être montré, qui est
fait pour être montré. Lettre ostensible. Réponse ostensible. Il
signifie aussi Qui est visible, apparent. Porter un insigne d’une manière
ostensible.
OSTENTATION n. f. Affectation de montrer quelque qualité ou
quelque avantage dont on veut faire parade. Vaine ostentation. À quoi bon
toute cette ostentation? Il y a de l’ostentation dans tout ce qu’il fait.
Faire ostentation de ses richesses, de sa fortune. Les pharisiens
faisaient leurs bonnes œuvres par ostentation. Sa générosité n’est que de
l’ostentation.
OSTENTATOIRE. adj. des deux genres. Qui marque de l’ostentation. Il
se dit aussi des Choses. Manières ostentatoires. Démarche ostentatoire.
Par contre
Condamnée par
Littré d’après une remarque de Voltaire, la locution adverbiale Par
contre a été utilisée par d’excellents auteurs français, de Stendhal à
Montherlant, en passant par Anatole France, Henri de Régnier, André Gide,
Marcel Proust, Jean Giraudoux, Georges Duhamel, Georges Bernanos, Paul
Morand, Antoine de Saint-Exupéry, etc.
Elle ne peut donc
être considérée comme fautive, mais l’usage s’est établi de la déconseiller,
chaque fois que l’emploi d’un autre adverbe est possible.
Ce n’est pas
toujours le cas. Gide remarquait à ce propos : Trouveriez-vous décent qu’une
femme vous dise : « Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la
guerre ; en revanche j’y ai perdu mes deux fils ? ».
Par moments, mais trois fois par jour
Par
est suivi du singulier quand il indique vraiment une répartition, une
distribution, c’est-à-dire quand on considère chacun à part tous les
éléments d’un ensemble. Prendre un médicament trois fois par jour,
chaque jour. Une production de n tonnes par hectare, pour chaque
hectare. Payer tant par personne. Avoir une filiale par secteur de marché,
etc. Le pluriel sera préférable et plus courant, en revanche, si l’on
considère non plus chaque élément, mais certains d’entre eux : Par
endroits, par places, la neige a fondu, à certains endroits. Par
moments, on ne comprend plus, à certains moments.
Participe passé (accord)
Si vous avez un
doute, commencez par réfléchir sur la base de ces exemples et de ce principe
:
Exemples :
Il a lavé sa chemise.
Il a lavé ses vêtements.
La chemise qu'il a lavée.
Les vêtements qu'il a lavés.
Elle s'est lavée.
Elle s'est lavé les cheveux.
Ses cheveux, quand elle se les est lavés...
Principe :
Le participe passé prend le genre et le nombre de la « personne » ou de la «
chose » lavée, si celle-ci le précède.
Si vous avez besoin
d’une révision générale sur l’accord du participe passé, que ce soit pour
vous l’occasion de découvrir
Orthonet, où cette
question est traitée de façon remarquablement claire et précise.
Pis ou pire ?
On ne saurait
considérer la tournure il y a pire comme fautive, elle est simplement
moins littéraire que il y a pis. En effet, on constate que dans la
plupart des emplois, pis, comparatif de supériorité de mal,
est supplanté dans l’usage par pire, comparatif de supériorité de
l’adjectif mauvais, ou par plus mal :
- Comme adverbe : De mal en
pire, de pire en pire, généralement condamnés, se rencontrent
cependant chez de bons auteurs, à commencer par Nerval ;
- Comme adjectif : C’est pire,
ce sera pire, bien pire, etc., sont employés par Barbey d’Aurevilly,
Taine, Gide, Cocteau, Mauriac, Montherlant, le général de Gaulle, et le
Dictionnaire de l’Académie, dans sa huitième édition (1935), à
l’article Pis, indique : « Il s’emploie encore substantivement
et signifie Ce qu’il y a de pire ». Comme attribut d’un nom, pis
a d’ailleurs toujours été rare ;
- Comme nom ou, sans article,
faisant fonction de nom (quelque chose de pis) : Le pire est que ; en
mettant les choses au pire ; faire pire, redouter bien pire, etc., se
trouvent chez Péguy, Martin du Gard, Malraux, Mauriac, le général de
Gaulle…
Plein (battre son)
Si l’expression
battre son plein a naguère encore suscité quelques controverses, tous
les spécialistes s’accordent aujourd’hui à donner raison à Littré. Dans
cette expression empruntée à la langue des marins, son est bien un
adjectif possessif et plein un substantif, les meilleurs auteurs se
rangent à ce point de vue. Le plein, c’est la pleine mer, et
l’on dit que la marée bat son plein lorsque, ayant atteint sa
plénitude, elle demeure un temps stationnaire. On dit donc bien les fêtes
battent leur plein.
Plusieurs, est-ce plus de deux ?
Plusieurs
signifie « un certain nombre, un nombre indéfini supérieur à un et le plus
souvent à deux » (Dictionnaire de l’Académie française, 8e
édition). Le contexte l’oppose parfois explicitement soit à un, soit
à deux : Sur un ou plusieurs registres (Code civil, art.40) ;
avoir pour objet deux ou plusieurs choses alternatives (Code civil,
art.1584).
Pronominaux (Verbes, accord du participe passé)
Quant à l’accord du participe passé
des verbes pronominaux, on peut distinguer deux cas. Si le verbe pronominal
est de sens passif (la partie s’est jouée en trois manches équivaut à
a été jouée…) ou s’il s’agit d’un verbe essentiellement pronominal (s’absenter,
s’abstenir, s’écrier, se souvenir, se repentir, etc., sont des verbes
qui n’existent que sous la forme pronominale), l’accord se fait en genre et
en nombre avec le sujet. On écrira : La propriété s’est vendue à bas prix
(= a été vendue), ils se sont souvenus, ils se sont repentis.
Si le verbe pronominal est un verbe
de sens réfléchi ou réciproque, l’accord se fera avec ce qui serait le
complément d’objet direct du verbe s’il était conjugué avec l’auxiliaire
avoir. On écrira donc : elles se sont lavées, ils se sont battus
(avec avoir, le complément d’objet direct serait le mot représenté
par le pronom réfléchi se), mais elles se sont lavé les mains
(avec avoir, le complément d’objet direct serait mains, placé
après le participe passé ; ce dernier reste donc invariable), elles se
sont parlé (parler n’introduit pas un complément d’objet direct
mais un complément d’objet indirect, on n’accorde donc pas le participe
passé). Se rire de, se plaire (déplaire, complaire) à restent
invariables.
Rectifications orthographiques (1990), état de la question
Un ensemble de
rectifications orthographiques ont été recommandées par le Conseil
supérieur de la langue française et publiées en décembre 1990 dans les
« Documents » du Journal officiel.
Dans sa séance du
17 janvier 1991, L’Académie française a adopté la déclaration suivante :
L’Académie
française rappelle que le document officiel, souvent improprement appelé
« réforme », document qu’elle a, après examen de sa commission du
dictionnaire, approuvé à l’unanimité dans sa séance du 3 mai 1990, ne
contient aucune disposition de caractère obligatoire. L’orthographe actuelle
reste d’usage, et les « recommandations » du Conseil supérieur de la langue
française ne portent que sur des mots qui pourront être écrits de manière
différente sans constituer des incorrections ni être considérés comme des
fautes. Elle estime qu’il y a avantage à ce que lesdites recommandations ne
soient pas mises en application par voie impérative et notamment par
circulaire ministérielle. Selon une procédure qu’elle a souvent mise en
oeuvre, elle souhaite que ces simplifications et unifications soient
soumises à l’épreuve du temps, et elle se propose de juger, après une
période d’observation, des graphies et emplois que l’usage aura retenus.
Elle se réserve de confirmer ou d’infirmer alors les recommandations
proposées.
En 1992 a paru le
premier tome de la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie
française (de A à Enzyme). La Préface, qui figurait
déjà dans le fascicule de 1986, est suivie d’un Avertissement dans
lequel Monsieur Maurice Druon, Secrétaire perpétuel écrit :
[...] nous n’avons
inscrit à titre définitif que les modifications qui visaient principalement
à harmoniser l’accentuation de certains mots, tels allègement,
allègrement, etc., avec leur prononciation habituelle. Procédant aux
rectifications de cet ordre nous avons indiqué, chaque fois que l’usage nous
paraissait hésitant, l’existence ou la possibilité de deux graphies (évènement
ou événement).
L’Académie signale
par un losange et répertorie, dans ce volume ainsi que dans les fascicules
publiés depuis, les orthographes modifiées qu’elle n’introduit pas en
entrée.
Tout le contenu des
« recommandations » est donc intégré à cette neuvième édition, sous deux
formes : le remplacement de é par è dans un certains nombres
d’articles est adopté définitivement (ainsi par exemple que les nouvelles
graphies de chausse-trappe et imbécilité); les autres
modifications restent « soumises à l’épreuve du temps ».
L’usage ne tranche
que peu à peu. La lecture de la presse montre une fréquence variable selon
les titres, mais élevée, de formes comme évènement, cèdera ou
révolver. D’autres modifications apparaissent çà et là, mais moins
systématiquement.
Les dictionnaires
courants, qui ont une édition annuelle, semblent considérer que la
circonspection s’impose, même quand leurs éditeurs étaient représentés au
Conseil supérieur de la langue française et en ont approuvé les travaux.
Aucun, en tout cas, ne reprend intégralement les recommandations de 1990,
même en variantes; aucun ne signale à ses lecteurs toutes les formes
nouvelles autorisées; mais aucun non plus n’ignore complètement les
rectifications et ne s’en tient strictement à la norme du Dictionnaire de
l’Académie française (huitième édition) de 1935.
D’une maison à
l’autre, d’une année à l’autre, la pratique varie, et elle n’est pas
toujours cohérente. On enregistre partout, au moins en variantes,
évènement, allègement, crèmerie, etc. ; mais certains, pour
règlementaire, attendent que l’Académie arrive à la fin de l’alphabet.
On accepte chausse-trappe, mais pas toujours déciller.
Personne ne va jusqu’à imprimer assoir. Le Petit Robert use
d’une formule ambiguë : « on écrirait mieux charriot » (id. pour
bonhommie, combattif, imbécilité, vènerie, les participes absout,
dissout, etc.). Les recommandations concernant le tréma et le
circonflexe sont largement ignorées. La grammaire des composés est
inégalement modernisée : brise-glace, brise-jet, brûle-gueule,
brûle-parfum, casse-pipe, cure-ongles, etc. ne perdent pas partout ou
pas tous leur invariabilité. La francisation des emprunts (allégro,
condottière), les soudures de composés (apriori, arcbouter) sont
peu suivies. Dans les tableaux de conjugaisons, une note discrète signale en
général les formes nouvelles de céder.
Nous sommes donc
encore en période d’observation quant à une grande partie de ces
« rectifications ».
Résidant ou résident ?
On s’accorde à
écrire : Les membres résidants et les membres correspondants d’une
académie, et : Les résidents français au Canada, en Australie.
Mais force est de constater que dans bien d’autres cas, et chez les
meilleurs auteurs, l’unanimité est encore loin de régner. C’est que l’usage
est seulement en train de se fixer. L’Académie y contribue.
Dans la huitième
édition de son Dictionnaire, publié en 1935, elle faisait de
Résidant un adjectif ; mais elle ajoutait : « On écrit aussi
Résident ». Elle faisait de Résident un nom ; mais elle
ajoutait : « Il s’emploie aussi adjectivement ».
En 1994, la
Commission du Dictionnaire, interrogée sur ce point, a constaté que, comme
il était souhaitable, la graphie résident l’emportant décidément,
dans l’usage, pour le nom, tout flottement pouvait être éliminé :
résidant est adjectif, résident est nom. Et aux acceptions
anciennes du nom, elle a ajouté celle-ci : « Personne qui habite une
résidence, qui vit habituellement dans une résidence ou y est hébergée »,
avec ces exemples : « Les résidents d’un foyer, d’une maison de retraite.
Les résidents de la Cité universitaire de Paris ».
Dans les
expressions médecin résident ou pharmacien résident (celle-ci
d’ailleurs, se rencontrant souvent avec le trait d’union), résident
doit s’interpréter comme un nom en apposition, et non pas comme un adjectif,
au même titre que dans ministre résident : on a toujours dit
indifféremment le ministre résident ou le résident.
Sabler ou sabrer le champagne ?
Le verbe sabler
signifiait entre autres, au XVIIe siècle, « couler dans un moule
fait de sable ». C’est probablement par allusion à la matière en fusion
versée dans le moule que sabler a pu prendre le sens de « boire d’un
trait » (1615).
Le Dictionnaire
de l’Académie française (8e édition, 1935) indique, à
l’article Sabler : « Boire tout d’un trait, fort vite. Sabler un
verre de vin. Sabler le champagne ».
Puis sabler le
champagne s’est employé pour signifier, par extension, « célébrer un
évènement en buvant du champagne ».
Sabrer une
bouteille de champagne ou sabrer le champagne, absent du
Dictionnaire de l’Académie française (8e édition), est
toutefois attesté dans certains dictionnaires récents au sens de : « ouvrir
une bouteille de champagne en tranchant le goulot d’un coup de sabre ».
L’expression et l’action elle-même, opération dangereuse qu’il est sans
doute judicieux de laisser à qui sait manier un sabre, semblent d’apparition
récente : probablement au début de notre siècle.
Il résulte de ces
indications que les expressions Sabler le champagne et Sabrer le
champagne ne peuvent être considérées comme équivalentes ; leurs sens
sont même très différents.
Sans chapeau, sans chaussures
Sans
peut, selon le sens, être suivi du singulier ou du pluriel. On écrira
toujours au singulier les noms dits abstraits : Être sans pitié. Cela se
comprend sans peine. Un orateur est sans passion quand il n’est
pas animé par la passion. Cet homme est sans passions s’il
ignore les passions. On opposera un couteau sans manche, qui
devrait en avoir un, mais un seul, à un gilet sans manches, qui en
aurait deux, s’il en avait. Il est sorti sans chapeau ni chaussures.
Dans de nombreux cas, cependant, la nuance de sens est si mince que l’on
trouvera aussi bien le singulier que le pluriel : C’est un acteur sans
défaut ou sans défauts (Littré). De même : Cet homme est mort
sans enfant, sans héritier, ou sans enfants, sans héritiers.
Pourtant, dès lors que ce dont on parle peut suggérer l’idée de pluralité,
c’est le pluriel qui est le plus fréquent. On écrira : Un devoir sans
fautes, en jugeant qu’un tel devoir aurait d’ordinaire comporté
plusieurs fautes (qu’une faute ne vient jamais seule), plutôt qu’un
devoir sans faute, sauf si l’on veut insister sur le caractère
exceptionnel de la chose, comme on dirait : sans aucune faute, sans la
moindre faute.
Septante, octante, nonante
Vous vous
interrogez sur une des bizarreries les plus célèbres de la langue française.
Pourquoi en effet dire soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix,
alors que les formes septante, octante, nonante, en accord tout à la
fois avec le latin et le système décimal, sont plus ou moins largement
usitées dans divers pays francophones ?
Notre vocabulaire
porte ici la trace d’un usage très ancien et aujourd’hui disparu : au Moyen
Âge, on avait coutume en France de compter de vingt en vingt. Aussi
trouvait-on les formes vint et dis (30), deux vins
(40), trois vins (60), etc. Saint Louis fonda, par exemple,
l’hospice des Quinze-vingts (des 300 aveugles). Ce système, dit
« vicésimal », était utilisé par les Celtes et par les Normands, et il est
possible que l’un ou l’autre de ces peuples l’ait introduit en Gaule.
Dès la fin du Moyen
Âge, les formes concurrentes trente, quarante, cinquante, soixante se
répandent victorieusement. Pourquoi l’usage s’arrête-t-il en si bon chemin ?
Aucune explication n’est vraiment convaincante. Peut-être a-t-on éprouvé le
besoin de conserver la marque d’un « calcul mental » mieux adapté aux grands
nombres (70=60+10, 80=4x20, 90=80+10). Reste la part du hasard et de
l’arbitraire, avec laquelle tout historien de la langue sait bien qu’il lui
faut composer...
C’est au XVIIe
siècle, sous l’influence de Vaugelas et de Ménage, que l’Académie et les
autres auteurs de dictionnaires ont adopté définitivement les formes
soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix au lieu de septante,
octante, nonante. Il est à noter pourtant que les mots septante,
octante, nonante figurent dans toutes les éditions du Dictionnaire de
l’Académie française. Encore conseillés par les Instructions
officielles de 1945 pour faciliter l’apprentissage du calcul, ils
restent connus dans l’usage parlé de nombreuses régions de l’Est et du Midi
de la France, ainsi qu’en Acadie. Ils sont officiels en Belgique et en
Suisse (sauf, cependant, octante, qui a été supplanté par
quatre-vingts et huitante - en Suisse - tant dans l’usage courant
que dans l’enseignement ou les textes administratifs). Rien n’interdit de
les employer, mais par rapport à l’usage courant en France, ils sont perçus
comme régionaux ou vieillis.
Sot !
Devinette : Un sot sur un cheval tient de
la main gauche un seau. Dans sa main droite, il porte le sceau du roi.
Le cheval fait un saut et les trois... (?) tombent à terre. Comment
écrit-on "les trois s... ?"
On s'étonne qu'il soit encore possible de
perdre son temps à des billevesées aussi éculées.
Par définition, il est impossible
d’orthographier (de la même façon) des homonymes non homographes. Toute
astuce est possible qui prête un semblant de sens à ce jeu de mots si
l’on tente de lui donner une forme écrite. On peut recourir à la
transcription phonétique [so], mais évidemment, ce ne sont pas des sons
qui sont censés tomber.
Tables
d’équivalence alphabétique - Termes français
(Consultez
le site de la
D.G.L.F.)
Tables d’équivalence alphabétique - Termes étrangers
(Consultez
le site de la
D.G.L.F.)
Temps surcomposés
Les temps dits
surcomposés servent à marquer des faits antérieurs et
accomplis par rapport à des faits qui, eux-mêmes antérieurs par rapport
à d’autres faits, s’exprimeraient par les temps composés correspondants. À
la voix active, on forme l’indicatif passé surcomposé en ajoutant le présent
de l’auxiliaire avoir au participe passé de l’auxiliaire avoir
ou de l’auxiliaire être (selon les verbes) du passé composé : elle
a fait cela donne quand elle a eu fait cela ; ils ont fait
cela donne quand ils ont eu fait cela ; elle est partie
donne quand elle a été partie, ils sont partis donne quand
ils ont été partis.
À l’indicatif plus-que-parfait
surcomposé (marquant l’antériorité par rapport au plus-que-parfait, ce temps
est d’emploi assez rare), on ajoute dans les mêmes conditions l’imparfait de
l’auxiliaire avoir : quand elle avait eu fait cela, quand ils
avaient eu fait cela ; quand elle avait été partie, quand ils avaient été
partis.
Le futur antérieur surcomposé
(antériorité par rapport au futur antérieur ; d’emploi assez rare) se forme
avec l’auxiliaire avoir au futur : quand elle aura eu fait cela ;
quand elle aura été partie.
Le passé antérieur surcomposé
(antériorité par rapport au passé antérieur ; très rare) se forme avec
avoir au passé simple : quand elle eut eu fait cela ; quand elle eut
été partie.
Tout aussi rares sont les autres
temps : conditionnel passé surcomposé (quand elle aurait eu fait cela ;
quand elle aurait été partie) ; subjonctif passé surcomposé (avant
qu’elle ait eu fait cela ; avant qu’elle ait été partie) ; subjonctif
plus-que-parfait surcomposé à valeur de conditionnel (si elle eût eu fait
cela ; si elle eût été partie) ; participe passé surcomposé (ayant eu
fait cela ; ayant été partie) ; infinitif passé surcomposé (après
avoir eu fait cela ; après avoir été partie).
La voix passive se forme selon les
mêmes procédés à partir des passifs correspondants : quand cela a été
fait (passé composé passif) donne quand cela a eu été fait (passé
surcomposé passif).
Les formes surcomposées sont
inusitées pour les verbes pronominaux.
Bien qu’ils appartiennent
principalement au langage parlé, les temps surcomposés se rencontrent chez
les meilleurs auteurs, de Balzac à Mauriac en passant par Stendhal, Hugo,
Renan ou Proust.
C’est surtout dans le Midi que l’on
emploie le passé surcomposé au lieu du passé composé pour insister sur le
caractère révolu et lointain des faits évoqués : « Je l’ai eu su »
(sous-entendu : il y a bien longtemps, et j’en ai tout oublié). Chez
l’humoriste : « Ça a eu payé » (et non, comme on le voit parfois écrit, «
ça eut ou eût payé »). On considère généralement cet emploi comme
dialectal.
L’éminente linguiste Henriette
Walter signale enfin un malaise assez répandu vis-à-vis de ces temps et
remarque à propos du passé surcomposé :
Posez donc la question autour de
vous et vous constaterez que beaucoup de personnes cultivées l’emploient en
toute bonne conscience, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, en étant
intimement persuadées que c’est la seule forme correcte. Mais d’autres
personnes, tout aussi cultivées, et avec le même sentiment de détenir la
vérité, refusent de l’employer, en affirmant avec la même vigueur que ce
sont là des formes incorrectes et absolument non conformes à la norme.
D’autres encore, dont je suis, tout en les jugeant tout à fait utiles, ne
peuvent se résoudre à les utiliser.
Tout étonnée, mais toute surprise
La variabilité de
Tout, adverbe, devant un mot féminin commençant par une consonne,
constitue une singularité bien révélatrice de la résistance de l’usage,
produit d’une histoire, à une « logique » grammaticale qui ne souffrirait
pas d’exceptions.
Dans l’ancienne
langue, qui traitait les mots selon leur nature, Tout employé
adverbialement, mais considéré dans sa « nature » d’adjectif indéfini,
s’accordait ordinairement avec l’adjectif qu’il modifiait.
À l’époque
classique, cet ancien usage survit, mais se voit concurrencé par une
tendance à l’invariabilité que les grammairiens s’efforcent de généraliser —
non sans difficultés ni contradictions.
Dans la première
édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694), il était
dit : « En ce sens, Tout se décline lorsque l’adjectif qui le suit
est féminin […] Quelques-uns cependant ne déclinent point Tout devant
les adjectifs féminins qui commencent par une voyelle. » Le sentiment de
l’Académie paraît donc être, à la fin du XVIIe siècle, que
l’usage dominant oppose le masculin invariable tout, prononcé [tut]
devant la voyelle et [tu] devant la consonne, au féminin variable
toute-toutes, prononcé [tut] dans tous les cas — ce qui revient à dire
que le e du féminin se fait entendre. Le problème devient alors :
faut-il noter graphiquement cette marque du féminin ? Et, si oui, peut-on
noter une variation de genre sans noter la variation de nombre ?
Dans les
commentaires joints aux Remarques de Vaugelas publiées par elle en
1704, l’Académie établit la règle actuelle : « Il faut dire et écrire
elles furent tout étonnées […] quoiqu’on demeure d’accord qu’il faut
mettre toute et toutes devant les adjectifs qui commencent par
une consonne : « Cette femme est toute belle, ces étoffes sont toutes
sales ».
Cette position est
confirmée dans la deuxième édition (1718) et reprise ensuite par toutes les
grammaires et tous les dictionnaires. Elle représente un sage compromis
entre la « bizarrerie » de l’usage et la « logique » grammaticale
puisque :
- Elle pose l’invariabilité en
règle ; la forme tout est étendue au féminin devant voyelle car la
prononciation [tut] allant de soi, il n’est pas nécessaire de l’indiquer
par -e ;
- Elle juge cependant nécessaire
de conserver la marque graphique de la prononciation d’usage [tut] devant
consonne ;
- Le féminin étant noté
graphiquement, elle décide logiquement de noter aussi le pluriel éventuel.
Ce compromis était
sans doute assez judicieux, puisqu’il a survécu au temps, et permet de
prendre en compte la survivance effective d’un usage fort ancien dans la
langue parlée d’aujourd’hui. Tout au plus peut-on noter, curieusement, et
chez de bons auteurs, la marque du féminin devant voyelle : Elle en est
toute étonnée, mais au singulier seulement, car on sent bien qu’au
pluriel, la liaison ferait comprendre Elles en sont toutes étonnées
comme Toutes en sont étonnées.
Vocabulaire de l’architecture
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D.G.L.F.)
Vocabulaire de l’économie et des finances
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Vocabulaire de l’informatique (Consultez
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