Paris, musée d’Orsay, du 31
octobre 2006 au 21 janvier 2007
La rétrospective organisée par le musée
d’Orsay fournit l’occasion de redécouvrir un peintre longtemps oublié, voire
décrié, dont il était généralement admis que l’œuvre d’artiste n’était pas à
la hauteur des écrits théoriques. Il convenait de faire justice de cette
légende et les visiteurs de l’exposition – ceux qui, jusqu’à maintenant,
n’avaient pas eu la curiosité de pousser jusqu’au remarquable petit musée du
Prieuré que Saint-Germain-en-Laye consacre au peintre – découvriront une
œuvre originale, témoignant des interrogations et des incertitudes qui, une
génération après les flamboiements de l’impressionnisme, marquent les
dernières années du XIXe et la première décennie du XXe siècle.
En un moment qui voit la réalisation des œuvres si originales d’un Gauguin
ou d’un Seurat, Maurice Denis (1870-1943) se rallie au groupe des Nabis et
devient de fait leur porte-parole. Réunis en 1888, ceux qui se proclament
« prophètes » (le sens du mot nabi en hébreu) comptent alors dans
leurs rangs plusieurs des personnalités qui vont marquer la peinture :
Bonnard, Sérusier, Vuillard, le Suisse Vallotton ou Maillol, qui laissera
surtout une œuvre de sculpteur. Les Nabis manifestent un intérêt prononcé
pour le mystère, la magie, l’occultisme et la littérature ésotérique dont on
sait qu’elle connaît alors une grande vogue. C’est à partir de cette
recherche tout à fait particulière que Maurice Denis accordera ensuite dans
son œuvre une place importante à l’inspiration religieuse, au point
d’apparaître comme l’un des principaux artisans de ce qui sera interprété,
après la Première Guerre mondiale, comme une « renaissance de l’art sacré ».
Auteur en 1912 d’un ouvrage intitulé Théories (1890-1910) : du symbolisme
et de Gauguin vers un nouvel ordre classique, qui demeure sa principale
œuvre de théoricien, il publiera en 1939 une Histoire de l’art religieux
qui est en phase avec ses interrogations du moment. À ses débuts et alors
qu’il est très impliqué dans les débats esthétiques de son temps, Denis
peint des tableaux d’un style très personnel dans lesquels la couleur, posée
en aplats, et la composition donnent à l’œuvre une vraie force décorative.
Influencé par l’art italien ancien, il s’efforce de retrouver
l’« innocence » des primitifs puis l’expression calme et grandiose propre à
la tradition issue d’Ingres et de Puvis de Chavannes. Le public de
l’exposition pourra apprécier cette évolution au fil d’un parcours
présentant une centaine de peintures ainsi que des photographies et des
dessins. Un itinéraire esthétique et spirituel dans lequel l’accent est mis
sur certaines œuvres majeures dont certaines ont été jusqu’ici peu vues,
ainsi la reconstitution du cycle de l’Histoire de Psyché réalisé en
1908 pour l’hôtel particulier du riche Moscovite Ivan Morosov, conservé à
l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Durant l’entre-deux-guerres, le peintre de
L’Hommage à Cézanne conservé au musée d’Orsay (qui regroupe en 1900,
autour d’une nature morte du peintre, les membres du groupe nabi avec
Ambroise Vollard et Odilon Redon) est très sollicité pour la réalisation de
grands ensembles décoratifs tels que ceux du Théâtre des Champs-Élysées ou
du Petit Palais mais les années d’après-guerre, marquées par le triomphe des
avant-gardes, ne lui seront guère favorables. On se félicite donc que
justice lui soit aujourd’hui